Utopia Avenue est un roman de l’écrivain britannique David MITCHELL (1969-). Editions de l'Olivier, 2022, 752 pages.
Paradise Is the Road to Paradise, Stuff of Life, The Third Planet... Ces titres vous rappellent ceux d'un bon groupe de rock psychédélique du siècle dernier ? C'est normal ! Mais ici, il s'agit des trois albums d'un groupe (malheureusement) imaginaire : Utopia Avenue.
C'est à Londres, en 1967, que la rencontre de quatre musiciens mènera à la création du groupe Utopia Avenue. Dean, Jasper, Griff et Elf. Chacun apportera aux autres son art et sa technique, mais aussi sa personnalité et ses démons. Différences de classes sociales, solitude familiale, crises de schizophrénie, ruptures et deuils, le chemin musical d'Utopia Avenue se composera au rythme des péripéties de la vie, sous le regard d'un manager aux nerfs d'acier : Levon Frankland.
La richesse de ce roman est d'accorer autant d'importance à la vie du groupe qu'aux histoires individuelles de ses membres. Cela explique la longueur du récit, qui reste captivant et surprenant jusqu'à la dernière page. Aux cotés des personnages, le lecteur adepte de musique appréciera de croiser du beau monde : David Bowie dans des escaliers, Syd Barrett dans une chambre embrumée, Brian Jones, Jimi Hendrix, Leonard Cohen ou encore John Lennon.
Alors que l'époque de cette histoire est pourtant si proche, Utopia Avenue a des allures de roman historique. En effet, pas de streaming, d'algorithmes ni de like à tout va, mais une dimension où la création musicale nait, se vit, se propage avec plus d'authenticité à travers la spontanéité du lien social. Cette lecture procure une nostalgie planante de la rencontre, des concerts improvisés, de la créativité dans les rues, les bars et tant d'autres lieux animés par la passion et la liberté.
Ce livre-jukebox contient bien plus que l'histoire de quatre musiciens. C'est un voyage dans le temps captivant, auprès de personnages authentiques et au milieu d'une époque effervescente. A travers son histoire et sa musique, Utopia Avenue est l'écho de la vie et de son intensité.
Extrait :
« — Des étiquettes. J’en colle partout. “Bon”. “Mauvais”. “Bien”. ”Mal”. “Bourgeois”. “Cool”. “Queer”. “Normal”. “Ami”. “Ennemi”. “Succès”. “Échec”. Elles sont faciles à utiliser. Elles t’épargnent l’effort de réfléchir. Ces étiquettes restes collées. Elles prolifèrent. Elles deviennent une habitude. Au bout d’un moment, elles recouvrent tout et tout le monde. Tu commences à penser que la réalité ce sont les étiquettes. De simples étiquettes, écrites au feutre indélébile. Le problème, c’est que la réalité, c’est le contraire. La réalité est nuancée, paradoxale, mouvante. Elle est délicate. Elle est plusieurs choses à la fois. C’est pour ça qu’on est si minables dans la réalité. Les gens nous rabattent les oreilles avec la liberté. Constamment. Elle est partout. Il y a des émeutes et des guerres pour imposer ce qu’est la liberté et à qui elle est destinée. Mais la Liberté des Libertés c’est ça : être affranchi des étiquettes ».