Sur les chemins noirs est un récit de l’écrivain français Sylvain TESSON (1972-). Gallimard, 2016, 143 pages.
Quelle déception ! Déception, déception, déception, alors que ce récit avait tout pour me plaire : un drame humain et le témoignage d'une renaissance grâce à la marche dans la nature.
Le drame humain est évidemment terrible : il s'agit de la chute de Sylvain Tesson lui-même, alors alcoolisé, du haut de huit mètres, ce qui lui brisa de nombreuses parties du corps. Après une survie miraculeuse, il respecte le serment qu'il se fit lorsqu'il gisait dans son lit d'hôpital : « Si je m'en sors, je traverse la France à pied ». Une traversée qui durera plusieurs mois sur les chemins les plus ruraux et les plus cachés de France, afin de vivre pleinement sa renaissance.
Sur le plan littéraire, la balade ne m'a pas emporté. Page après page, les chemins se succèdent par des indications géographiques bien mystérieuses, sans permettre d'imaginer véritablement les lieux malgré quelques passages plutôt poétiques. D'autant que les découvrir à travers un écran par l'intermédiaire d'un film ou de Google Images gâcherait l'immersion dans la lecture et violerait d'ailleurs la philosophie "anti-écrans" du récit. La marche sur ces chemins noirs devient ainsi rapidement abstraite, ennuyeuse, voire énervante, de sorte que le livre a failli me tomber des mains après une cinquantaine de pages. Bref, sortie de route.
La balade n'a pas été plus réjouissante dans le propos. En effet, cette randonnée est racontée sous forme de critique de la modernité, de l'Europe, des écrans, du moteur à explosion, bref de tout ce qui pourrait mettre à mal, à tort ou à raison, la ruralité française. La solution de l'auteur face à cela : la fuite ; son attitude : l'isolement. Loin d'une renaissance positive, constructive, d'engagement, j'y ai donc perçu de la rancœur vis-à-vis de l'époque, du ressentiment politique, de la frustration nostalgique et de la réclusion quasi-réactionnaire. L'on peut être d'accord ou non avec sa critique et son attitude, mais peut-être aurait-il été plus honnête d'intégrer cela dans un essai psycho-politique sujet à débats intellectuels, plutôt que dans un récit dont l'un des objectifs était pourtant de sacraliser les endroits où l'on ne vous dit pas quoi ni comment penser.
J'en retiendrai malgré tout deux messages : tout d'abord les chemins noirs, inconnus, salvateurs, se trouvent avant tout à l'intérieur de nous ; ensuite, la nature est belle, ressourçante et doit être préservée. Fallait-il persévérer durant 140 pages pour savoir cela ?
C'est donc avec l'ennui que j'ai terminé cette lecture qui aurait pu être une merveille d'évasion et d'introspection poétiques, en y cherchant vainement du positif. Dommage d'en rédiger une critique négative mais comme l'écrit l'auteur, isolé dans une maison forestière : « il ne faut tout de même pas exagérer avec la compassion ».
Extrait :
« Il était difficile de faire de soi-même un monastère mais une fois soulevée la trappe de la crypte intérieure, le séjour était fort vivable. Je me passionnais pour toutes les expériences humaines du repli. Les hommes qui se jetaient dans le monde avec l'intention de le changer me subjuguaient, certes, mais quelque chose me retenait : ils finissaient toujours par manifester une satisfaction d'eux-mêmes. Ils faisaient des discours, ils bâtissaient des théories, ils entrainaient les foules : ils choisissaient les chemins de lumière ».