Reims est un roman de l’écrivain français Yann MOIX (1968-). Grasset, 2021, 285 pages.
Hautes études branlettes commerciales
En 2019, nous laissions Yann Moix à Orléans (lire ici) avec ses difficultés scolaires, ses frustrations amoureuses et ses humiliations en tout genre. Une violence existentielle qui reste d'actualité pour la deuxième étape de sa tétralogie « Au pays de l'enfance immobile » : Reims.
Moix, en jeune personnage issu d'une classe de mathématiques spéciales, féru d'écrivains et de littérature, se retrouve à l'Ecole supérieure de commerce de Reims après l'échec d'accéder à de hautes études scientifiques. Dans une ville qui le rebute, il entame ces études avec son attelage de démons intérieurs. Le marketing ? Très peu pour lui. La compagnie de camarades enjoués qui idéalisent la réussite ? Encore moins... Seul objectif : tenir le coup dans l'ennui et le dégout.
D'emblée, remarquons que l'auteur et son éditeur se sont prémunis face à la difficulté d'être à la fois écrivain et protagoniste, difficulté qui avait déchainé les passions (et les procès) lors de la parution d'Orléans. L'ouvrage est à nouveau présenté comme un roman, donc une fiction, avec cette fois un avertissement préalable selon lequel les ressemblances avec la réalité ne sont que des coïncidences « au nom des droits imprescriptibles de l'imagination ». En apparence, il s'agit donc uniquement d'une fiction à lire comme telle. Sarcasme ou sincérité ? Vaste débat.
Il est en tout cas certain, sur le plan du style, que Reims est dans la continuité de l'opus précédent. L'histoire est claire et agréable à lire, par sa narration classique qui évite toutefois le pompeux. Yann Moix n'a plus à démontrer son sens de la formule. Par ailleurs, nous retrouvons une structure claire, qui reprend à nouveau la chronologie des années d'études. Tout apparait donc en parfaite cohérence de forme avec le début de la tétralogie.
En revanche, la temporalité est différente. Là où Orléans s'étalait sur l'enfance et la scolarité du protagoniste, soit plus d'une décennie, Reims concerne trois années d'études supérieures. Donc beaucoup moins d'événements à raconter, ce qui se ressent dans le contenu narratif qui tourne en boucle : ennui dans les études, frustrations amoureuses, refuge dans l'isolement, les fréquentations douteuses, la littérature et l'autodestruction. Une histoire avec, dès lors, moins de chemin de vie et de rebondissements pour un livre de surcroît un peu plus long.
C'est dans ce cadre que le fil rouge du roman est abordé : que reste-t-il pour un jeune homme lucide qui n'aime pas ses études, ne croit pas en l'avenir et ne supporte pas d'être rejeté par les filles ? Le lecteur ne devra pas s'attendre à découvrir une sagesse exemplaire et politiquement correcte. En effet, la réponse est ici l'alcool, les branlettes, l'oisiveté et la frustration littéraire. Mais peut-être s'agit-il tout simplement du vécu nécessaire à la naissance d'un futur écrivain.
Avec un style aussi impeccable que celui du premier opus, Reims est une histoire qui a toutefois tendance à tourner en boucle dans l'autodestruction. Dommage de ne pas y retrouver la puissance émotionnelle et les idéaux salvateurs d'Orléans. Prochaine étape : Verdun.
Extrait :
« J'étais pénétré de mort, mais une lumière, infime et vertébrale, nue, vint me visiter. Ce fut mystique : dans cette écœurante confiture de futurs diplômés satisfaits, une embrasure me souriait – la littérature. J'étais certain cette fois de ma vocation. Rater sa vie, être calomnié par les événements, m'apparut comme une façon d'accéder à ce ciel ».