16 décembre 2023

MALTE Marcus - Cannisses suivi de Far West

Cannisses suivi de Far West est un recueil de nouvelles de l'écrivain français Marcus MALTE (1967-). Folio, 2017, 184 pages. 


Double concentré de folie

Telle une espèce de Netflix littéraire, un recueil de nouvelles peut avoir le pouvoir d'emmener irrésistiblement et rapidement le lecteur dans une diversité d'univers et de genres. Puisse un jour Marcus Malte proposer des abonnements mensuels pour ses nouvelles !

Cannisses est l'histoire d'un homme qui tente, avec ses deux enfants en bas âges, de retrouver ses marques après le décès de son épouse. A travers les cannisses de sa terrasse il observe la famille voisine. Eux sont en vie, heureux. Pourquoi eux et pas lui ? Comment pourrait-il, lui aussi, profiter de cette maison du bonheur au sein de laquelle la vie semble parfaite ?

Il s'agit d'une nouvelle terriblement addictive, qui transforme progressivement un deuil familial en une surprenante et malsaine folie de voisinage. Ce huis clos psychologique est l'histoire de la jalousie qui rend fou. Le style est parlé, clair, net, rapide, parfaitement efficace. C'est impeccable.

Dans Far West, nous quittons la tranquillité des pavillons résidentiels. Direction vers des quartiers ruraux malfamés et des cellules de prison. Des quartiers d'une vieille Amérique où une police désabusée enquête sur des gens qui promènent des varans et sodomisent des lamas. Des cellules de prison où le méchant n'est pas celui qu'on croit, des lieux de touchantes amitiés.

Il s'agit ici d'histoires plus denses que Cannisses, du fait d'une grande richesse de personnages à déployer pour un format nouvelle. Le style est à nouveau percutant, très cru et accrochant. Far West, c'est un peu le mythe des cowboys et des indiens, version violence moderne. Ca parait simple, mais finalement on ne sait plus trop qui est le bon, le mauvais, le justicier ou la victime. 

Qu'il s'agisse de la vie derrière les cannisses ou derrière les barreaux, Marcus Malte offre de percutantes histoires autour de la solitude et de la violence. C'est impeccable, addictif et rempli de rebondissements et d'émotions; on en redemande !

Extraits:

(Cannisses): « Je sais que c'est à l'intérieur de ma tête mais de temps en temps je sens une forte odeur de cramé, ça me saute au nez sans prévenir, ça me saute à la gorge. la foudre nous a frappés. Le malheur. Nous et pas eux. Ca se joue à si peu de choses: le même lotissement, la même rue, mais pas le même numéro. Pair ou impair. On n'a pas misé sur le bon. C'est ma faute, je le reconnais. Mais permettez-moi de croire que tout n'est pas complétement perdu ».

(Far West): « Les morts se souviennent, il a dit. Ils n'oublient pas. Ils ne pardonnent pas. Ils nous poursuivent. Les morts sont bien pires que les flics. Tant qu'on n'a pas réglé nos dettes, ils ne nous lâchent pas. Jamais. Où qu'on aille, où qu'on se cache, ils nous retrouvent. Les morts ont tout leur temps. Ils ont l'éternité pour eux. Il n'y a aucun moyen de leur échapper ».